Par Viviane Nkurunziza – 30 mai 2014
© Viviane Nkurunziza |
Tout commence dès le jeune âge
lorsqu’écrire des lettres à ses amies était une grande partie de plaisir pour
Ketty Nivyabandi. D’un tempérament calme et d’une grande douceur, elle interpelle
et transporte l’interlocuteur par sa voix posée et les silences entre deux
phrases comme si elle était toujours à la recherche de la bonne formule. C’est
dans ses textes comme elle nomme ses poèmes, que Ketty s’exprime le mieux et où
elle peut se défouler. L’écriture pour elle est un besoin vital, un retour aux
sources où elle puise ses forces pour faire face au quotidien de la vie.
Cette amoureuse des lettres voit le
jour en 1978 en Belgique où elle a vécu jusqu’à l’âge de 5 ans. Avec la
possibilité de faire l’université aux Etats-Unis après un baccalauréat obtenu
en France, c’est sur le continent africain, au Kenya, qu’elle se tourne pour davantage se rapprocher de ses
racines. « J’avais fait mes études
jusque-là dans des écoles européennes. Je me suis rendue compte que je ne
connaissais pas vraiment mon pays ni l’histoire de l’Afrique comme je devais.
Je ne pouvais pas revenir au Burundi à cause de la guerre et ma mère avait
déménagé au Kenya ».
Partie pour faire de la politique plus
tard, elle se rend vite compte qu’il serait plus important de remettre en
question les politiques plutôt que de faire de la politique. Après des études
de Journalisme et de Relations Internationales, elle rentre au pays où elle
travaille comme journaliste à la Radio Renaissance. Pas facile de gérer vie de
famille et horaires de journaliste, elle reconnecte toutefois avec son premier
amour, l’écriture.
Pendant longtemps elle avait rêvé
d’écrire des romans mais à chaque fois qu’elle posait son stylo sur du papier,
cela finissait toujours avec un texte sous la forme d’un poème. Ses textes
souvent empreints de souffrance et d’injustice parlent beaucoup de son Burundi
qu’elle aime tant sans pour autant le ménager. Mêlant subtilement nostalgie et rêve,
mélancolie et douceur, ses textes nous font voyager dans un univers où le bien
triomphe toujours du mal, où la bienveillance adoucit les cœurs dans une vague
de chaleur qui ne laisse pas le lecteur indifférent, éveillant en lui au
passage un sentiment de fierté et d’appartenance. Ses textes sont engagés « On est un peuple introverti qui ne parle
pas, un peuple qui a vécu des choses difficiles et on en parle pas. C’est comme
si on avait occulté ces moments de notre mémoire. Je crois que la littérature
est l’un des moyens de gérer ce vécu », me dit-elle.
Cela lui vaudra, lors d’un spectacle
littéraire organisé à l’IFB par le Samandari, la censure de son texte Les Petits Hommes qu’elle avait lu peu de temps avant lors du Prix
Kayoya 2011 et qui avait été jugé politiquement incorrect par les autorités
présentes ce jour-là. « J’ai été évidemment
déçue qu’un institut culturel ne soutienne pas la liberté d’expression de
l’artiste. Mais je me dis que si le texte fâche c’est peut-être parce qu’il
touche sur un nerf sensible ». A la suite de cette censure, elle
annula sa participation au spectacle.
En 2010, ensemble avec un ami, le
romancier Roland Rugero, ils fondent le Café Littéraire Samandari où naissent
et se croisent toutes formes d’écrits afin que la littérature burundaise émerge
et soit reconnue à l’extérieur des frontières et par les Burundais eux-mêmes.
Consciente de ne pas changer le
monde à travers ses textes, Ketty Nivyabandi est néanmoins sûre d’une
chose : elle y ajoute une pierre à l’édifice avec son art, convaincue qu’au-delà
de la création, « l’art est un
regard sur le monde et l'une des façons les plus
fortes et audacieuses de résister et de se libérer ».
ppapillonvert@gmail.com
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