Vers la démocratisation de l’amour ?

Viviane Nkurunziza – 20 décembre 2013

L’amour ! Qu’est-ce qu’est l’amour ? Une chose est sûre, elle est vielle comme le monde, est encore appelée à durer et varie aussi selon les époques et les cultures. Dans les contes papous, l’homme et la femme se rencontrent pour la première fois grâce à la mère de toutes les tortues marines qui trouva l’homme au fond d’une grotte en mer, seul, qu’elle décida de l’emmener à la surface de la terre sur l’île qu’elle venait de se créer afin de le tirer de sa solitude. Elle s’empressa ensuite de lui trouver une femme qui, comme l’homme, ne rêvait que de vie à deux et d’enfants. Ils vécurent sur l’île et eurent des enfants qui eurent des enfants jusqu’à aujourd’hui. 

Au Burundi, le mariage occupe une place considérable encore aujourd’hui. C’est davantage l’union de deux familles que des époux en soi. Jadis, il arrivait que les époux se voient pour la première fois le jour de leurs noces, les parents ayant tout arrangé entre eux souvent avec l’aide d’un entremetteur. Dans les sociétés occidentales non plus les filles et les garçons ne se rencontraient jamais seuls et il revenait au père de décider qui il fallait ou pas épouser, le maintien du patrimoine familial étant en jeu.  

Force est de constater que dans la plupart des civilisations, le mariage n’avait pas la prétention d’être le signe de l’amour en ces temps même si des gens s’aimaient, même si des écrivains et poètes célèbres ont basé des œuvres entières sur l’amour. L’amour est de moins en moins codifié mais de plus en plus basé sur les sentiments, le regard que l’autre pose sur nous et qui nous transporte dans un tel état d’extase qu’on ne peut pas s’imaginer passer le restant de notre vie sans notre bien-aimé(e). Un amour exclusif qui transcende, qui transforme, censé résister et être éternel même si dans la réalité il ne l’est plus du tout, les taux de divorce et le nombre de partenaires que quelqu’un a eu dans la vie connaissant des sommets stratosphériques aujourd’hui.

Néanmoins les mariages arrangés et les mariages de raison entre deux adultes consentants qui s’unissent pour s’intégrer dans la société, ainsi que les mariages pour combattre la solitude existent toujours et cela dans toutes les sociétés. Mais l’époque des devoirs envers la société et des entremetteurs tend à disparaître. Le téléphone portable s’étant démocratisé dans la population et chez les jeunes, et de plus en plus dès le plus jeune âge, a pris le relais. Il est devenu un terrain d’échanges intimes à l’abrides projecteurs d’une « société » qui dicte et fixe les règles de conduite jusqu’à nos pensées et à nos actes les plus profonds. On prend notre temps pour rédiger un message, l’améliorer jusqu’à ce que les mots sortent exactement comme on le souhaite et le timide peut enfin s’exprimer en toute sécurité.  

Dans le milieu cosmopolite de Bujumbura comme ailleurs dans le monde, l’heure est au clic, au chat avec ou sans vidéo, aux appels et aux sms illimités, et aux emails pour parler en instantané avec une personne qui se trouve au bout du monde. On se dit aurevoir en se laissant numéros de Whatsapp, comptes Facebook et Skype. 

La nouveauté et le plus de tout cela est la possibilité qu’on a à se faire « des amis » qui nous ouvrent la porte de leur intimité et le nombre impressionnant que ces derniers peuvent atteindre. Plus impressionnant encore est le temps qu’on passe en relation avec ces amis virtuels désormais répartis dans le monde dont on ne peut plus se passer. À peine s’engage-t-on dans une conversation dans un face à face que notre portable sonne. Des relations voient ainsi le jour sur le web, des sentiments amoureux naissent avec une personne qu’on ne voit que sur l’écran, qu’on ne peut pas toucher et dont on ne peut sentir l’odeur, frissonner au toucher, et qu’on ne peut parfois fixer droit dans les yeux à l’afflux du moindre faux pas.

Bref, des pratiques à la fois classiques et traditionnelles qui cèdent la place à de plus en plus de relations à distance car il est désormais plus facile de se trouver un(e) partenaire ayant les mêmes loisirs que nous. Quoi de plus beau !

Cette tendance n’est pas loin de celle des sites de rencontre amoureux même si un Burundais nierait qu’il les fréquenterait un jour, même dans ses pires moments de détresse. Une photo de profil, son statut, ses loisirs, un chat pour commencer, une rencontre et des chances de longévité toutes aussi minimes et complexes les unes que les autres. Ce n’est sans doute rien d’autre qu’un fantasme mais je suis prête à parier que dans les jours qui viennent, être inscrit sur un site de rencontre amoureux n’aura rien de choquant même pour une personne vivant sur le sol burundais et je défie quiconque qui veut de parier. Mais en attendant que l’avenir nous le dise, joyeux noël et bonne année !
 
ppapillonvert@gmail.com

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